Parce que c'était une certitude à présent et qu'être la fille de l'un des douze dieux de l'Olympe ne changeait rien. Parce que j'avais retrouvé Artemis et que rien d'autre ne comptait. Et parce les partisans avaient sans aucun doute raison sur certains points. Trois excellentes raisons d'avoir changé de camp. A présent, pourquoi l'Empire State Building. Tout simplement parce qu'aujourd'hui j'avais une mission - encore - et que je comptais bien la mener à bien. Il y a peu je m'étais retrouver à espionner la Colonie. Ce n'était pas si compliqué en pleine nuit mais bien évidemment j'étais tombée sur une autre fille. Enfin bref, c'était passé et j'en étais ressortie indemne.
Je levai le nez vers le sommet du gratte-ciel. C'était vraiment une construction immense. Et dire que les dieux avait choisi son « sommet » pour positionner l'Olympe... Enfin c'était plus pratique d'aller ici que sur une véritable montagne.
J'entrai dans le vaste hall du gratte-ciel, légèrement hésitante. Une fois dans l'ascenseur il ne serait plus question de reculer. D'ailleurs Cronos n'apprécierait surement pas que l'une de ses partisanes ne remplissent pas ses taches. Je pris la petite cabine jusqu'à un étage, choisi parfaitement au hasard, et y fis une halte. J'allais pénétrer dans l'Olympe, le domaine des dieux, sans y être invitée. J'allais les espionner, les écouter, rapporter leurs faits et gestes, paroles et bavardages, à Cronos, le titan souhaitant les détruire. Mais après tout, qu'est-ce que les divinités avaient fait pour moi ? Pour les autres sang-mêlés ? Pas grand chose à vrai dire. Soupirant je rappuyai avec force sur le bouton d'appel de l'ascenseur, le coeur battant légèrement plus vite que d'habitude. Après un petit tintement les portes s'ouvrirent et je m’engouffrai dans regarder dans la petite cage mobile, heurtant presque une fille déjà présente.

« Oh là, pardon, excuse-moi. Je monte au dernier. »

Ça, pour monter au dernier, je montai au dernier. On ne pouvait pas aller plus haut. Je détaillai la fille et m'appuyai contre l'une des parois de l'ascenseur, me mordillant le bout du pouce avec anxiété. J'allais faire une connerie aujourd'hui, c'était certain.

La fille montait au dernier étage, ce n'était pas bon pour moi. Enfin libre à elle d'aller sur le toit mais l'inconnue ne trouverait-elle pas ça étrange que je reste à l'intérieur ? Peu de gens s'éclataient à faire des balades en ascenseur dans l'Empire State Building après tout. Je jaugeai la fille. Ses paroles étaient-elles un sous-entendu signifiant qu'elle se rendait dans le Royaume des Dieux, à savoir l'Olympe ? J'avais un doute. Elle semblait plus inquiète qu'autre chose. J'essayai de déterminer s'il s'agissait d'une sang-mêlée. Peut-être bien, que ferait-elle seule dans l'ascenseur de l'Empire State Building fonçant au dernier étage si ce n'est pour voir un parent ? Divin bien sur le parent.

« Tu vas sur le toit ? »

Histoire d'être sure, parce que moi, ce n'est pas du tout là-bas que j'allais, non, loin de là. J'allais bien plus haut, là-bas, dans un domaine qui n'existait pas pour les simples mortels. Je soupirai et m'appuyai contre le mur de l'ascenseur, fixant la fille. J'avais une mission à accomplir mais si je devais en plus attendre qu'elle ne sorte de cet ascenseur j'allais être retardée et Cronos n'allait pas apprécier.

La fille confirma sa destination et je la regardai, perplexe. Si cette fille allait réellement sur le toit, était-ce pour se rendre sur l'Olympe ? Était-elle une demi-déesse elle aussi ou non, pas du tout, juste une mortelle comme les autres ayant envie de prendre l'air ? Je m'apprêtais à lui poser la question lorsque la cabine de l'ascenseur s'arrêta brusquement, le choc nous projetant au sol. Mon épaule heurta durement l'une des parois et je restai une bonne seconde sonnée – et surprise. Les portes ne s'ouvrirent pas pour autant. Ah, nous avions un sacré problème, ainsi coincées entre deux étages de l'Empire States Building. Je jetai un coup d'oeil à ma compagne d'ascenseur : elle observait la trappe de secours. Non, on pouvait difficilement sortir par là : si la cabine se remettait brusquement en marche, montant ou descendant, peu importe, ce serait terriblement dangereux. Et d'ailleurs nous étions encore loin du sommet de l'immeuble. Un nouveau choc sourd sur le petit toit tout fin et la trappe s'ouvrit dans un grincement. Sursautant, je bondis sur mes pieds et attrapai l'objet qui se transformerait en lance. Comme si j'avais réellement le choix de toute façon... Le petit carré de métal disparut subitement, laissant place à une tête bizarre, trouée d'un seul œil. Un cyclope. J'appuyai sur ma lance qui reprit sa forme originelle instantanément.

« Hum, désolée pour le remu-ménage... »

Car si la fille était bien une mortelle je préférais ne pas savoir ce qu'elle voyait en ce moment même à la place du monstre et de la lance en or. Je me mis en pseudo-position de combat, simplement prête à nous défendre en cas d'attaque de la part du cyclope. Ils n'étaient pas forcément agressifs mais pour suivre quelqu'un dans un ascenseur... Oui, il devait être de mauvais poil celui-là.

Le cyclope se glissa lentement dans la trappe de l'ascenseur, nous fixant toutes les deux de son unique oeil rond aux reflets bleutés. Enfin bleutés... Disons que ça ressemblait un peu à la couleur de l'eau d'un marais. Je l'observai sans ciller, guettant le moindre geste signalant qu'il passerait à l'attaque. Rien n'était sur, je n'avais encore jamais vu de monstre comme lui se jeter sur des humains sans raison valable. Mais bon, le monde était fou, ce n'était pas nouveau. Même moi, je n'aurais pas dû exister, étant la progéniture du dieu de la guerre, le dénommé Arès. Enfin aujourd'hui je le remerciai : j'étais plutôt douée quand il s'agissait de se battre, foncer sur le champ de bataille... Et réduire en poussière un cyclope. J'examinai avec attention mes émotions actuelles. Mon coeur battait à cent à l'heure mais ce n'était pas la panique totale. J'avais une humaine à mes côtés mais je ne m'inquiétais pas. Au pire... Elle mourrait. Certes, c'était atroce dit comme ça mais après tout elle ne faisait pas partie de mon monde, de ma guerre, de mes amis même. Je jetai un bref coup d'oeil à ma lance en or impérial : elle, elle ne me trahirait pas, quoi qu'il arrive. Et la fille me supplia alors, me demandant de la sauver. Je lui adressai un bref regard en quoi avant de reporter mon attention au cyclope - menace numéro une ici.
Et enfin je percutai.

Cette fille voyait le cyclope. Cette fille voyait ma lance. Cette fille n'était pas réellement étonnée. Moi oui. La chose passa à l'attaque, glissant par le trou qu'offrait la trappe, et tomba avec un bruit mat sur la moquette de la cabine d'ascenseur. Je me glissai devant l'inconnue, attendant une suite qui ne tarda pas. Après deux mots incompréhensibles le cyclope s'élança vers nous. La suite je la connaissais. J'avais répété cette défense des heures durant les entraînements à la Colonie puis lors de ceux, plus poussés, qu'offraient les Partisans de Cronos. Je savais faire. Et je fis. Bientôt il n'y eu plus de danger, celui-ci étant réduit à un petit tas de poussière se fondant dans la moquette. Les mains encore tremblantes d'excitation je me tournai vers la fille.

« Tu le voyais ? Tu la vois ? » Je désignai la lance, toujours dans sa forme originale. « Qui es-tu...? »