The Big Apple [PV June]

Lorsque j'y repense, je me demande encore parfois ce qui a bien pu me passer par la tête lorsque j'ai décidé, un beau jour, d'aller me balader à New-York. Bon, d'accord, l'ambiance de la Colonie et les entraînements, bien que loin d'être intensifs, commençaient à me peser un peu, et j'éprouvais le besoin de m'aérer pendant au moins une journée. Et puis, c'est vrai qu'il y avait aussi la lettre que j'avais écrite et que je devais à présent poster, me souvenant des recommandations de mon père qui, avant de me laisser partir, m'avait demandé de leur donner de mes nouvelles dès que possible. Mais pourquoi une ville, moi qui avais toujours exécré ces endroits d'où la nature semblait avoir été bannie, leur préférant de loin la simplicité des modestes villages, et, surtout, pourquoi New-York en particulier, cela, je ne le saurai sans doute jamais. Mon envie de tourisme était-elle à ce point insoutenable ? La proximité de la campagne ne me suffisait-elle plus ? Me promener là était-il indispensable pour moi ? Toujours est-il que c'est ainsi que j'ai débarqué dans la Grosse Pomme un samedi, le jour de repos que je m'étais octroyée, sans avoir aucune idée de ce qui m'attendait, moi qui n'avais alors pas la moindre expérience des grandes villes, et des cités en général.

Certes, j'avais un plan. Un beau plan presque neuf, d'ailleurs, qu'un de mes compagnons de bungalow m'avait très complaisamment prêté pour la journée. À vrai dire, ma matinée s'est plutôt bien déroulée, et j'étais relativement fière de moi lorsque je me suis arrêtée pour acheter un sachet de frites et un sandwich oeuf-crudités que j'ai dégusté tout en déambulant sur le trottoir : en l'espace de quelques heures, j'avais traversé plusieurs rues sans me faire écraser, acheté un carnet de timbres, trouvé une boîte aux lettres et flâné devant les vitrines de magasins divers - de vêtements, pour la plupart. Je venais d'avaler mon dernier morceau de pain et de jeter la barquette, à présent vide, dans une des poubelles qui jalonnaient ma route, quand je suis arrivée à une intersection de deux avenues que je ne connaissais pas. Après avoir observé autour de moi en espérant dénicher un indice qui me remettrait sur le droit chemin - chemin, d'ailleurs, que je n'avais jamais eu, puisque je n'en suivais aucun - je me suis finalement résolue à déplier mon plan, m'immobilisant aussitôt. Cependant, une dizaine de secondes ne s'était pas écoulée quand un homme, arrivant en sens inverse, m'a bousculée violemment sans même prendre la peine de s'excuser. Déséquilibrée, je me suis rattrapée de justesse, mais le précieux document m'a échappé des mains pour s'envoler sur la chaussée. Évidemment, une voiture l'a écrasé une fraction de seconde plus tard, et je n'ai pu que rester sans bouger, bras ballants, complètement désemparée, au milieu du trottoir. Étrangement, mes premières pensées ont été pour mon pauvre demi-frère qui avait eu le malheur de me le confier. Mais, tout de suite après, j'ai senti mes yeux me piquer. Sans plan, comment allais-je faire pour me repérer ? Etais-je donc perdue, cette fois-ci, perdue pour de bon - perdue dans New-York ? Reniflant tout en battant des paupières afin de chasser les larmes qui menaçaient de poindre à tout instant, j'ai tourné sur moi-même, laissant mon regard balayer les environs. Peut-être quelqu'un aurait-il la gentillesse de m'aider ? Je n'avais pas assez d'argent pour m'acheter un nouveau plan, mais peut-être pourrait-il m'indiquer une station de bus capable de me ramener chez moi, au camp ? J'ai alors remarqué une jeune femme qui avançait à vive allure sans prêter attention aux passants autour d'elle, esquivant les gens pressés avec la précisions et la fluidité d'une danseuse. Sans doute était-elle une habituée des lieux. C'est tout au moins ce que j'ai espéré en m'approchant d'elle et, constatant que je souhaitais de toute évidence l'accoster, elle a ralenti jusqu'à s'arrêter à ma hauteur. Prenant une profonde inspiration, je lui ai souri en rougissant légèrement, beaucoup plus gênée que ce que je voulais m'avouer :

Hem... Je... excusez-moi, mais... voilà, euh...

Je me suis perdue. Je me suis mordue la langue au dernier moment, préférant opter pour une déviante. Elle comprendrait, de toute manière, c'était simplement moins honteux à avouer - et moins humiliant :

S'il-vous-plaît, est-ce que vous sauriez où nous sommes ?

Elle avait l'air gentille. C'était certainement ma seule chance, dans cette histoire.

Samedi... Le jour préféré de tous les étudiants et étudiantes de New-York. Mais pas pour June. Ses parents avaient quittés la ville la veille, pour une réunion à l'étranger pour l'entreprise, et elle se retrouvait seule. Bon ok, elle n'était pas vraiment seule puisqu'elle se retrouvait avec les domestiques et son chauffeur. Quoi de mieux qu'une journée shopping pour oublier le départ de ses parents? Car oui, pas de soucis d'argent pour elle. Faire chauffer la carte bleue, c'est son activité favorite. En même temps, quand vous habitez dans l'Upper East Side, vous êtes forcement riche...

Alors qu'elle venait de quitter sa maison et qu'elle marchait dans les rues de Park Avenue, sac à main en bandoulière, elle croisa un ou deux monstres. Car oui, June avait la fâcheuse habitude en ce moment de côtoyer les monstres plutôt que les humains. Était-ce elle qui le voulait? Non, pas vraiment... Athéna lui avait même proposé d'effacer sa mémoire et elle avait catégoriquement refusée, menaçant même de tenir tête à Zeus. Bien évidemment elle n'avait toujours pas rencontré le grand Dieu et n'en avait franchement pas envie.

Quittant un magasin dans lequel elle n'avait rien trouvé, elle s'arrêta sur le bord de la route, le regard rivé sur une jeune fille de l'autre côté. Elle avait quelque chose d'étrange, comme ci... elle n'était pas ordinaire, comme ci elle avait quelque chose de différent. Une demi-déesse? Aucune idée... Et peut-être qu'elle le saurait bientôt. Après tout, Aaron lui avait bien confié ce secret, alors pourquoi pas quelqu'un d'autre? Et si en plus cette personne peut lui apporter une protection, c'est encore mieux!

Lorsque le feu passa au vert, June traversa, esquivant les passants comme elle avait l'habitude de le faire et ralentit l'allure quand elle arriva à hauteur de cette fille. La chance lui souriait! Cette fille lui demandait quelque chose en plus!

Cassandre: Hem... Je... excusez-moi, mais... voilà, euh...

Et bien... si elle commençait à parler comme ça et continuait sur ce même ton, on était pas sortit de l'auberge. A ce moment précis, la Parker regretta d'avoir ralentit la marche. Elle se demanda un instant si elle ne devait pas faire semblant de ne rien avoir entendu et accélérer le pas mais quelque chose lui disait de rester. Et vu qu'elle aperçue deux cornes de monstres un peu plus loin, elle se décida à rester en compagnie de cette fille, car après tout si ce qu'elle pensait était vrai, cette demoiselle pourrait tenir éloigner ce monstre quelques temps.

Cassandre: S'il-vous-plaît, est-ce que vous sauriez où nous sommes ?

Bien sûr que je sais où nous sommes, puisqu'il s'agit de la rue la plus connue de New-York. Nous sommes sur Park Avenue. C'est sûr que les panneaux ne l'indique pas, c'est tellement évident pour nous. M'enfin, vous êtes étrangère pour être perdue ainsi? Il faut vous acheter un plan dans ce cas, ce sera certainement mieux pour vous.

Lizie fit un petit sourire et attendit une réaction quelconque.

Park Avenue ? Ce nom me disait vaguement quelque chose, oui. M'enfin, très vaguement. Très très vaguement, même. A moins que je ne confonde avec Central Park...

Et puis, mon interlocutrice a un peu plaisanté, me demandant si j'étais une étrangère, et je me suis mordue la lèvre inférieure. Qu'entendait-elle par ce mot ? Étrangère à New-York, ce qui était bel et bien le cas, ou étrangère aux États-Unis ? Avais-je l'air si désemparée, si paniquée, pour qu'elle émette l'hypothèse que je ne sois même pas américaine ? Avec un temps de retard, j'ai balbutié, si bas que je n'étais même pas sûre qu'elle entende quelque chose :

C'est juste que... je n'ai pas l'habitude des grandes villes, vous comprenez...

Comme elle enchaînait sur le plan, je me suis dandinée sur un pied, de plus en plus mal à l'aise. Elle allait me trouver encore plus ridicule que pitoyable si je lui avouais que je l'avais laissé s'envoler et qu'il était, en ce moment-même, hors d'usage au milieu de la chaussée. Après une hésitation, j'ai opté pour une demi-vérité :

Je sais, oui, mais je n'avais pas assez d'argent pour m'en acheter un. En fait, j'aurais juste besoin que l'on m'indique la station de bus la plus proche pour rentrer à...

Je me suis arrêtée net, juste à temps, et le nom de la "Colonie des Sangs-Mêlés" s'est écrasé contre le rempart hermétique de mes lèvres. Là, j'avais failli faire une grosse, grosse boulette. Je savais bien que la jeune fille n'aurait pas eu de grandes chances de me croire si jamais elle avait essayé de creuser plus allant, mais elle risquait surtout de me prendre pour une folle et de me planter sur le trottoir si j'avais le malheur de lui raconter d'où je venais, alors qu'il s'agissait de mon unique sauveuse.

C'est à cet instant que je l'ai vu. Le monstre. Enfin, j'ai supposé que c'était un monstre, parce que deux cornes dépassaient de ses boucles grisonnantes, pourtant fournies, et je peux vous dire que c'était assez déstabilisant à observer. Mais ce n'était pas encore le plus horrible. Parce que le pire, c'était qu'il se dirigeait droit sur nous.

J'ai aussitôt senti mes jambes se liquéfier, mon sang se glacer subitement dans mes veines, ma tête bourdonner et mon coeur s'arrêter de battre. Enfin, pas tout ça en même temps, mais presque. Il faut me comprendre. Je n'ai que 13 ans, je viens pratiquement d'arriver à la Colonie et je n'ai encore jamais rencontré de créatures monstrueuses d'aucune sorte - le seul être mythologique que j'ai déjà côtoyé se résumant pour le moment à Chiron, le centaure-animateur-gardien-maître du camp. Aussi, le choc que j'ai ressenti était tout de même difficilement répréhensible, non ? Je sais qu'à cet instant, une foultitude de possibilités s'offrait moi : continuer à discuter avec la jeune femme en espérant que l'autre affreux passerait son chemin, par exemple, ou encore la laisser sur place et me faufiler subrepticement à travers la foule tout en priant pour semer mon poursuivant. Mais voilà. D'abord, je n'avais pas le don de me volatiliser au nez et à la barbe de ceux qui me voulaient du mal - ce qui était fort dommage, d'ailleurs, parce que j'ai déjà pu remarquer que faire pousser des fleurs n'est pas le meilleur moyen de se défendre face aux méchants de l'histoire, sauf si vous voulez les transformer en bouquets - et ensuite, je n'étais pas certaine à cent pour cent que ma compagne ne courrait aucun danger si je m'enfuyais sans elle - ce qui constituait, de plus, un acte de lâcheté qui me répugnait. Pas que je lui sois d'un quelconque secours s'il venait à nous attaquer, bien sûr. Mais à deux, c'est toujours mieux qu'à un, non ?

Alors, le monstre - appelons-le le bouc, ce sera peut-être plus représentatif de la réalité - le bouc, donc, s'est mis à accélérer, et je n'ai malheureusement plus eu le moindre doute quant à l'identité de ses futures proies. La fille que j'avais accosté et moi-même avons reculé dans un ensemble parfait, et, à la seconde où nos regards se sont croisés, j'ai su qu'elle le voyait. Par quel mystère parvenait-elle à passer outre la Brume qui dissimule habituellement notre monde aux humains normaux, cela je l'ignorais - cela se pouvait-il qu'elle soit elle aussi une demi-déesse ? A vrai dire, il ne s'agissait pas exactement de ma priorité. Cependant, elle restait littéralement statufiée devant l'apparition qui s'approchait de plus en plus, et, lorsqu'il s'est trouvé à une dizaine de mètres de nous, c'est moi qui ai dû lui saisir le bras pour la tirer dans ma direction :

Cours !

Alors seulement elle a paru s'éveiller et, sans le moindre égard pour les passants qui s'ébattaient nonchalamment autour de nous, nous avons détalé tels deux lapins pris sous les phares d'une voiture ou le canon de fusil d'un chasseur.

Cassandre: C'est juste que... je n'ai pas l'habitude des grandes villes, vous comprenez...

Oui, June pouvait comprendre. Après tout, avant que son père n'obtienne le poste de Directeur Adjoint elle avait vécue à la campagne, loin de toute civilisation, à aller dans des écoles pourries sans la moindre valeur. Mais depuis que son père avait eu cette promotion, elle avait totalement changé de mode de vie. Avait-elle eu du mal à s'habiter au luxe et aux grandes villes? Elle s'était perdue une ou deux fois mais... l'humaine avait un sens de l'orientation assez bon, si bien qu'elle retrouvait toujours sa maison, quoiqu'il arrive.

Cassandre: Je sais, oui, mais je n'avais pas assez d'argent pour m'en acheter un. En fait, j'aurais juste besoin que l'on m'indique la station de bus la plus proche pour rentrer à...

Rentrer à? Pourquoi n'avait-elle pas fini sa phrase? June avait-elle un si mauvais visage que ça? Lizie n'était pas du genre à faire peur aux gens et encore moins à les laisser tomber lorsqu'on lui demande de l'aide, alors pourquoi ne voulait-elle pas lui dire où elle voulait aller? Finalement, la Parker remarqua que l'attention de son interlocutrice n'était plus focalisée sur elle mais sur quelque chose d'autre. Elle suivit donc son regard et là ce fut la révélation: cette fille était une demi-déesse, puisqu'elle voyait le monstre arriver.

June avait déjà fuit pour ne pas se faire pourchasser par un autre de ces monstres et elle s'était finalement retrouvée au pied de l'Olympe - chose qu'elle aurait largement imaginé ailleurs qu'en haut de l'Empire State Building... Alors qu'elle ne bougeait plus, se demandant si elle devait traîner cette demi-déesse ailleurs ou si la jeune fille allait lui venir en aide... Mais elle ne bougea pas, elle voulait connaître les pouvoirs de cette fille, tant pis pour sa vie.

Cassandre: Cours !

June sentit qu'on lui attrapait le bras et elle ne se fit pas prier. Elle suivit donc la jeune fille puis se souvint que celle-ci ne connaissait même pas la ville. Elle se défit donc rapidement de son étreinte et elle lui attrapa à son tour le bras pour la tirer dans une petite ruelle. Un cul de sac, du moins ce qu'on aurait pu penser au premier regard. June enfonça une porte en bois, qui était là et menait sur un local étrange et poussa la fille à l'intérieur avant de refermer la porte et de lui reprendre le bras pour la tirer ailleurs. Elles traversent deux salles réservées aux parties de poker non conforme aux règles et sortit par une autre porte. Le duo retrouva la foule et June tira son "alliée", si elle pouvait l'appeler comme ça, jusque dans un vieux bar miteux ou l'odeur des gens autour cacherait la leur. June fit un petit sourire au vendeur et alla s'asseoir à une table, emmenant avec elle l'autre fille. Elle s'affala sur la chaise et resta silencieuse, reprenant son souffle.

En fait, c'était, en quelque sorte, du donnant donnant. Je tirais la jeune femme de sa torpeur - l'empêchant, du même coup, de se faire dévorer tout cru par le bouc qui, malheureusement, semblait tout sauf végétarien - et elle nous permettait de semer le monstre grâce à sa connaissance de la ville. Même si, en voyant l'impasse dans laquelle elle me tirait, j'ai tout d'abord pensé qu'elle était de mèche avec notre poursuivant ou qu'elle allait tout à coup s'envoler, ou quelque chose comme ça. Mais non, beaucoup moins épique - mais tout aussi efficace et, surtout, beaucoup plus discret - elle s'est contentée d'enfoncer une porte et, m'entraînant à sa suite, m'a guidée à travers une série de salles exiguës dont j'ai préféré ignorer l'utilité. Lorsque nous avons regagné l'extérieur, je me suis sentie partagée entre le soulagement de retrouver l'air libre et la crainte de voir surgir le bouc sur notre passage. Mais il n'était visible nulle part à travers la foule et, quand j'ai été de nouveau happée par la main de l'autre fille pour me faire pousser à l'intérieur d'un bar dont la crasse n'avait sans doute d'égale que le peu d'affluence, je n'ai pas émis la moindre résistance. Je l'ai suivie en plissant le nez jusqu'à une table où nous nous sommes installées face à face, et un long silence s'est installé entre nous, à peine interrompu par nos halètements. J'ignore combien de temps j'ai mis exactement pour reprendre mon souffle, mais une bonne dizaine de minutes s'était écoulée lorsque j'ai desserré les lèvres. Ma peur de voir le monstre débarquer dans le bar s'était atténuée jusqu'à disparaître presque totalement, et je me demandais à présent comment cela se faisait que je n'avais encore jamais rencontré cette fille, si elle faisait véritablement partie des demis-dieux. Cependant, mieux valait commencer notre échange par de sommaires présentations, aussi me suis-je jetée à l'eau :

Je m'appelle Cassandre Green. Et je... je suis une sang-mêlée. Mais toi aussi, n'est-ce pas ? Pourtant, je ne t'ai jamais vue à la Colonie...

Ses yeux sombres, impénétrables ont rencontré les miens, et je lui ai souri, même si quelque chose en elle me mettait mal à l'aise. Etait-elle vraiment une demie-déesse ? Et, surtout, avais-je bien fait de lui confier ma nature de sang-mêlée ?

[Un peu court, désolée...]

[HRP > Pas grave. Je ne pense pas à avoir la tête à faire aussi long ce soir *a la tête qui va exploser mais a trop envie de répondre *-* *]

June ne put dire pendant combien de temps le duo resta silencieux, reprenant chacune leur souffle de leur folle aventure. Décidément, l'odeur de ce bar était affreuse, mais ne fallait-il pas faire quelques sacrifices pour pouvoir rester en vie? Ça, June l'avait compris depuis qu'elle voyait les monstres, si bien que ce genre de bar, elle les connaissait tous maintenant. Le problème, c'est que lorsque vous croisez quelqu'un que vous connaissez alors que vous sortez de cet endroit là, c'est pas génial et il fallait dire que son image commençait à en prendre un sacré coup. Mais même si la Parker aimait le luxe, elle n'était pas le genre de fille à vouloir devenir 100% populaire dans son école, alors peu lui importait ce qu'on pensait d'elle. Finalement, ce fut la blonde qui brisa le silence, l'humaine toujours occupée à récupérer son souffle. Oui, Lizie n'était pas la plus forte en sport, avait toujours eu des problèmes de respiration pendant les courses, et ce n'était pas encore aujourd'hui que ça allait changer.

Cassandre: Je m'appelle Cassandre Green. Et je... je suis une sang-mêlée. Mais toi aussi, n'est-ce pas ? Pourtant, je ne t'ai jamais vue à la Colonie...

Cassandre Green... Un joli nom, qui lui allait bien. June allait répondre - puisqu'elle avait enfin réussi à calmer sa respiration, mais un homme se planta devant elle, maugréant quelque chose d'incompréhensible. Et pourtant, June comprit et se contenta de répondre "deux verres d'eau" avant de le laisser partir. Elle reporta alors son attention sur la jeune fille.

Je suis June Parker. Quand à moi, je ne suis pas tout à fait comme toi, ce qui explique que tu ne m'es jamais vu à la colonie. Je suis comme tous ces gens autour de toi, une simple humaine.

June s'empara d'un billet qu'elle tendit au serveur, quand il eu déposer les deux verres et joignit ensuite les mains, observant une réaction quelconque. D'ailleurs, peut-être que cette jeune fille allait s'en vouloir en fait! Peut-être qu'elle allait croire que s'était de sa faute qu'elle voyait les monstres? Mais Lizie ne parla pas. Elle n'allait pas s'avancer en explications inutiles, si cette demoiselle ne voulait pas les entendre.

June Parker. J'aimais bien. June, ça me faisait penser aux fruits qui fondent dans la bouche, à la peau qui dore au soleil, au vent frais qui ébouriffe les cheveux, aux fleurs qui embaument l'air de leur parfum tour à tour subtil et entêtant. Au bleu du ciel au-dessus des têtes et au vert de la mousse sous les pieds nus.

Cependant, j'ai écarquillé les yeux lorsque la jeune femme a terminé sa phrase. Elle n'était pas une sang-mêlée ! Mais comment, dans ce cas, avait-elle pu voir le monstre ? Et pourquoi n'avait-elle manifesté aucune surprise quand je lui avais révélé que j'étais une demi-déesse ? N'importe quel humain m'aurait traitée de folle, ou se serait au moins stupéfié. Et puis, je me suis rendue compte que June n'était justement pas une humaine comme les autres. Elle n'avait pas manifesté la moindre panique devant le bouc, m'avait amenée directement dans cet endroit qui, bien que miteux et lugubre à souhait, dissimulait efficacement notre présence. Ainsi, tout indiquait qu'elle était déjà au courant de la présence des Olympiens, de la Colonie, et de tout le reste. Mais qui avait bien pu l'informer aussi bien ? Avait-elle déjà eu des aventures avec d'autres demis-dieux ?

Le serveur est revenu à cet instant avec les deux verres d'eau que ma compagne avait commandé et, avant que je n'ai pu esquisser le moindre geste, elle a glissé un billet dans la main de l'homme. En d'autres circonstances, j'aurais sans doute protesté et tenu à payer ma part, mais j'étais pour le moment trop étonnée pour songer à cela. A la place, je me suis contentée de tremper les lèvres dans la boisson délicieusement fraîche en essayant de ne pas trop m'attarder sur la propreté douteuse du récipient qui la contenait. Voyant June faire de même, j'ai attendu qu'elle ait fini de boire avant de prendre la parole :

Je... je ne comprends pas. Si tu affirmes ne pas être une sang-mêlée mais une simple humaine... Pourquoi, et surtout comment, alors, la Brume n'a-t-elle aucun accès sur toi ? Et, enfin... qui t'a mise au courant ? De la Colonie, par exemple, et de... de tout ?

Puis un doute a franchi mon esprit. J'avais entendu parler de ces Titans conduits par Chronos qui souhaitaient se rebeller contre les Olympiens, ainsi que de personnes ayant choisi de les rejoindre - apparemment, un certain nombre de héros grecs avaient ainsi quitté la Colonie. Et si June en faisait partie ? Et si je m'étais jetée tout droit dans la gueule du loup ?

Cassandre: Je... je ne comprends pas. Si tu affirmes ne pas être une sang-mêlée mais une simple humaine... Pourquoi, et surtout comment, alors, la Brume n'a-t-elle aucun accès sur toi ? Et, enfin... qui t'a mise au courant ? De la Colonie, par exemple, et de... de tout ?

Et voilà, l'heure de l'interrogatoire venait de sonner... Mais après tout, June s'y était attendu à ça, au moment où elle avait aidé la jeune fille à échapper aux griffes du bouc. Que devait-elle lui dire? La vérité serait mettre Aaron en danger et les Dieux devaient déjà lui en vouloir à son pauvre ex-petit-ami de lui avoir révélé ça... Alors quoi? Autant mentir, pour protéger ce garçon qui hante encore ses rêves, et ne dire qu'un mensonge proche de la vérité.

L'humaine prit son verre, le porta à ses lèvres, et au moment où elle allait dire quelque chose son portable se mit à vibrer au fond de sa poche. Elle le sortit, observa qui venait de lui envoyer un message et fronça les sourcils en voyant "Rachoux <3" apparaître en tant qu'expéditeur. Mais oui, la voilà sa réponse à la question de la demi-déesse! Au moins, elle n'aurait pas à inventer un mensonge et pourrait par la même occasion ne jamais prononcer le nom de Aaron dans la conversation!

Je ne sais pas si on t'a parlé de Rachel mais... c'est ma meilleure amie. Et un jour, j'ai reçu la visite d'Athéna, qui voulait avoir des renseignements sur elle. Depuis, je suis au courant de votre existence. Et comme la Mythologie Grecque est un sujet qui me pationne, il est hors de question qu'on m'efface la mémoire. Tant pis si pour cela j'ai mit ma vie en danger... Mais dis moi, si tu es une demi-déesse, c'est que tu dois avoir un parent divin non? Tu es la première que je rencontre!

La Parker fit un grand sourire, découvrant ses dents blanches. Cassandre n'était pas la première enfant de Dieu qu'elle rencontrait, mais en tant que demi-déesse, c'était bien la première donc... Lizie n'avait pas mentie. Ouf... Elle qui détestait ça, au moins elle ne l'avait pas fait et n'avait pas mentionné le nom de son ex!

Rachel. Un instant, le nom a tourné dans mon esprit, avant que je ne parvienne à me souvenir où je l'avais entendu. Mais oui, bien sûr, c'était durant la conversation avec Annabeth ! J'ai failli le lui confier, mais je me suis rappelée au dernier moment que la jeune fille et Rachel étaient rivales, tandis que June affirmait que celle-ci était sa meilleure amie... Bref, je suis restée coite, et la suite m'a donné raison puisque la jeune femme a affirmé avec entrain que j'étais la première demi-déesse qu'elle rencontrait. Ainsi, sans doute avait-il mieux fallu que je me taise, car j'ignorais l'étendue de ce que je pouvais lui révéler concernant les sangs-mêlés. Cependant, j'étais au moins sûre qu'elle n'avait rien à voir avec Cronos et ses partisans, et j'ai poussé un discret soupir de soulagement.

Pendant qu'elle parlait, j'avais laissé mes doigts s'activer d'eux-mêmes. En effet, lorsque j'étais concentrée, j'avais l'habitude de m'occuper les mains, et ce que je venais d'apprendre était suffisamment complexe pour que celles-ci aient entrepris d'attacher mes cheveux en une queue de cheval sommaire - à vrai dire, il y avait certainement un plus grand nombre de mèches tombant en cascade sur mes épaules que reliées par l'élastique vert pomme que j'avais déniché au fond d'une de mes poches. Un instant, je me suis fait la réflexion que je devais être horrible mais, n'ayant jamais porté une attention excessive sur mon apparence, j'ai bientôt chassé cette pensée de mon esprit pour reporter mon attention sur June et ce qu'elle venait de me révéler. Je n'avais toujours pas très bien compris en quoi Rachel était si essentielle pour la Colonie mais, si Athéna elle-même était allée rendre visite à son amie, cela devait être extrêmement important.

Puis je me suis souvenue qu'elle m'avait posé une question, et j'ai esquissé un sourire :

Oui, effectivement. Je suis la fille de Déméter, tu sais... Remarquant que plusieurs personnes se tournaient vers nous, j'ai aussitôt baissé la voix en rougissant légèrement. Tu sais, la déesse de la nature, des plantes, de l'agriculture... tout ça, quoi. J'ai hésité avant d'interroger à mon tour : Tu en as rencontré d'autres ? Je veux dire, d'autres dieux, à part Athéna ? Je me suis ensuite redressée en reprenant ma voix normale, comme si je venais de lui lancer une bonne plaisanterie : Et, toi, tu habites à New-York, n'est-ce pas ? Tu sembles connaître si bien les lieux...

Ce n'est qu'alors que j'ai remarqué que, depuis un certain temps déjà, le tutoiement avait fusé entre nous. Naturel.

Cassandre: Oui, effectivement. Je suis la fille de Déméter, tu sais... Tu sais, la déesse de la nature, des plantes, de l'agriculture... tout ça, quoi.

Déméter... D'après les livres d'histoire sur la Mythologie Grecque que June connaissait par coeur, Déméter était bel et bien la Déesse de l'agriculture et des moissons. Les parents de cette Déesse n'étaient autre que Cronos et Rhéa et elle avait pour frères et soeurs Zeus, Poséidon, Hadès, Hestia et Héra. Quand à la seule fille qu'elle lui connaisse, il s'agissait de Perséphone. Cela voulait donc dire que Cassandre était la demi-soeur de Perséphone!

June observa la blonde en face d'elle. D'après les représentations de Déméter, elle était blonde elle aussi, quand à es yeux... l'humaine ne se souvenait plus.

Cassandre: Tu en as rencontré d'autres ? Je veux dire, d'autres dieux, à part Athéna ? Et, toi, tu habites à New-York, n'est-ce pas ? Tu sembles connaître si bien les lieux...

Non, je n'en ai jamais rencontré d'autres... Et je me demande ce que ça ferait si j'en voyais d'autres en fait...
En effet, je vis dans l'Upper East Side, le petit coin des bourges. Je ne connais pas toutes les rues de New-York, mais je connais au moins toutes les principales, notamment les grandes allées de shopping.

June fit un petit sourire. Il fallait dire que le shopping, elle adorait ça, et vu la taille de sa penderie, elle pouvait se permettre d'acheter des dizaines de fringues tous les jours.

Le petit coin des bourges. L'expression m'a fait sourire intérieurement. C'était vrai que, dès le premier coup d'oeil, il était évident que June appartenait à une famille aisée. Vêtements de marques, habillée à la dernière pointe de la mode, rien que sa paire de chaussures devait coûter plus que ce que mon père gagnait en un mois de travail - et pourtant, même si je n'avais jamais su en quoi consistait exactement son métier, il gagnait plutôt bien sa vie. Certes, nous n'étions guère riches, mais cela était surtout dû à la présence des nombreux enfants sous notre toit. Et puis, je n'avais jamais rien manqué de rien - ni moi, ni aucun autre membre de ma famille si grouillante de vie.

Cependant, il était clair que June n'évoluait pas dans le même monde que nous, que moi. Je n'ai pas osé lui demander quel emploi occupaient ses parents ni la dimension de leur maison, mais je ne me faisais aucune illusion à ce propos. Rien que son ton lorsqu'elle avait parlé du shopping voulait tout dire. Je n'étais moi-même pas très coquette et ne faisais que rarement les boutiques, pourtant...

Un bruit dans mon dos m'a fait sursauter et je me suis retournée avec vivacité. À une table à quelques mètres de nous où gisaient renversés une bouteille aux trois-quarts vide et des verres dont l'un était brisé, deux hommes s'étaient levés. Je n'ai pas compris tout ce qu'ils se disaient à cause de leur voix pâteuse mais les regards venimeux qu'ils se lançaient, eux, ne laissaient pas planer le moindre doute. Ils se mirent alors à échanger des injures et, au moment où ils allaient en venir aux mains, le patron du bar en compagnie du serveur peu loquace auquel nous avions eu à faire accoururent dans leur direction. Il ne fallut pas moins de trois hommes pour les séparer et les expédier hors de la salle enfumée, après une dernière série d'insultes mutuelles. J'étais demeurée immobile durant toute la scène, et seul un long frisson parcourut ma colonne à l'instant où la porte se refermait enfin. Soudain, je ne savais plus ce que je souhaitais vraiment entre rester dans cet endroit à l'atmosphère oppressante ou retourner dehors, à l'air libre, malgré la menace du bouc qui pesait encore sur nous. J'ai frémi à nouveau en songeant au regard cruel de la créature monstrueuse, aux yeux perçants avec lesquels elle nous avait scrutées de l'autre côté du trottoir et me suis tournée vers June. Le visage impassible, elle me renvoya une expression parfaitement neutre. Sans doute devait-elle être habituée à ce genre de dérapage dans des lieux aussi mal famés que celui-ci.

Dis, tu es fille unique ?

Dans le contexte, la demande était tout à fait saugrenue, mais je ne tenais pas à rester silencieuse après ce qui venait de se passer. Parler pour combler le vide, parler pour tromper la peur. Parler pour rester en vie. Et, de fait, il n'y avait rien au monde que je ne désirais plus voir ou entendre que les sourires papillon de mes soeurs et les rires grelot de mes frères.

June vit Cassandre sursauter et se retourner vivement et la brunette ne comprit pas ce qui la mettait dans cet état. Il y avait-il encore un secret qu'elle n'avait pas découvert? Non, en fait la blondinette avait juste eu peur d'une bataille qui venait d'éclater entre deux habitués du bar: Cuauhtémoc et Aqissiaq.
Oui, des noms très étranges. Comment les connaissait-elle? Parce qu'elle les avait vu passer à la télévision!L'un d'eux avait tué sa femme et l'autre avait été arrêté en état d'ivresse sur l'autoroute à plus de 300km/h.

Oui, un bar très mal fréquenté dans lequel elle avait amené une fille qui semblait si fragile. Peut-être valait-il mieux sortir avant qu'une autre bagarre n'éclate? Oh et puis tant pis. Échapper à des baffes c'est certainement plus simple que d'esquiver une créature que quelques personnes peuvent voir.

Cassandre: Dis, tu es fille unique ?

Oui. Parfois c'est cool, parce que je suis pourrie gâtée, mais parfois je m'ennuies, alors dans ces moments là j'ai envie d'un frère ou d'une soeur.
Et toi, je supposes que tu dois avec pas mal de demi-frère et demi-soeur non?

J'ai arqué un sourcil en entendant sa réponse, qui a définitivement confirmé mes impressions premières. Oui, June était riche. Et oui, elle le montrait. Cependant, je ne la trouvais en rien antipathique, loin de là, avec son sourire à fossettes et son regard espiègle. Simplement... eh bien, riche, justement.

J'ai levé les yeux pour lui répondre, d'une voix légèrement feutrée :

Des demi-frères et demi-sœurs... Ouais, j'en ai pas mal. Mais je ne les connais pas tous. Enfin, de vue, bien sûr, et on échange des banalités, on se salue, quoi. Mais savoir tout de chacun d'entre eux... ce serait impossible. Et puis, il y en a que j'apprécie plus que d'autres, bien sûr. C'est rigolo. Mais ça fait un peu bizarre, aussi. Bizarre de se dire qu'on se connaît plus ou moins, qu'on se ressemble parfois à peine et qu'on est pourtant tous parents... bizarre.

Je me suis tue un instant, pensive, et un doux sourire, un peu mélancolique, a éclairé mon visage.

Tu vois, par exemple, j'ai d'autres frères et soeurs, humains, cette fois. On a le même père mais une mère différente. Eh bien, ils sont plus proches de moi que tous les enfants de Déméter que j'ai pu croiser jusqu'à présent. Eux, je ne les ai jamais considérés comme des demi-quelque chose. Ce sont mes petits frères, mes petites soeurs, et ça restera comme ça. Le fait que nous n'ayons pas exactement les mêmes parents n'y change rien, strictement rien. Mais ce n'est pas la même chose, à la Colonie. Sans doute parce que j'y suis arrivée récemment et que je ne m'y sens pas encore vraiment intégrée, mais... Je sens que je ne parviendrai jamais à voir les autres fils et filles de Déméter comme de véritables frères ou soeurs. Des connaissances, des amis, que je peux apprécier, aimer ou même adorer. Mais ça n'ira pas plus loin - jamais. Tu comprends ?

Je n'étais pas sûre d'avoir été très claire, et je concevais également aisément qu'il n'était pas forcément facile pour une humaine de se représenter ces choses-là. Pourtant, ce que je venais de lui confier me tenait à coeur, vraiment. Et je m'apercevais également qu'il s'agissait de la pure vérité, que j'avais longtemps eu du mal à exprimer.

June écouta Cassandre parler. Ainsi donc, il existait réellement des tas de demi-dieux et de demi-déesses dans le monde... Etait-il tous à New-York? Non, certainement pas... Certains devaient certainement courir des risques plus grand que ce monstre dehors pour sauver des tas de vies humaines comme la sienne. Du moins, c'est ce qu'elle espérait. A moins que les Dieux et leurs enfants s'en contre fiche des humains? Pourtant, Athéna semblait lui avoir prouvé le contraire, lors de leur dernière rencontre. Certes, elle avait parlé de Zeus comme se fichant totalement d'une vie humaine, mais elle n'en voulait pas au grand dieu. Après tout, ça devait être normal, il avait d'autres choses plus importantes à faire, comme diriger toute une assemblée de Dieux.

Quand Cassandre parla cette fois de ses demi-frères et demi-soeurs humains, cela fit apparaître un petit sourire sur le visage de la Parker. Ainsi donc, cette fille connaissait des humains, de qui elle était plus proche que les demi-dieux! Comme quoi les humains ne servent pas à rien!

Cassandre: Tu comprends ?

Lizie se gratta la tête, essayant de s'imaginer la vie de cette fille qui se tenait devant elle. Pouvait-elle réellement comprendre dans les moindres détails? Non, ça s'était impossible...

Peut-être pas les détails, mais je comprends le plus gros.

Peut-être pas les détails, mais je comprends le plus gros.

J'ai souri et, pendant un instant, nous sommes restées toutes deux parfaitement silencieuses. Mon regard a balayé la salle enfumée où nous nous trouvions, les vitres crasseuses, les clients affalés sur leur verre, les tables poussiéreuses et, brutalement, j'ai pris ma décision. Je ne pouvais pas rester une minute de plus dans cet endroit qui me retournait le coeur, c'était impossible - et le dégoût que j'éprouvais à la simple vue de ce lieu me donnait la nausée. Sans réfléchir, je me suis saisie de mon sac avant de me hisser sur mes pieds, la chaise que j'avais repoussée raclant le sol sans la moindre discrétion. June a levé les yeux et, sans un mot, a fait de même. Elle avait compris.

Nous avons rejoint la porte sous le regard pesant de la vingtaine de personnes qui se trouvaient là. Oppressée par l'atmosphère confinée et lourde des vapeurs d'alcool qui flottaient dans l'air, c'est moi qui ai tourné la poignée, m'effaçant sur le côté afin de laisser passer June qui m'a remerciée d'un signe de tête. Quand je suis sortie à mon tour, j'ai poussé un profond soupir de soulagement en sentant un vent frais ébouriffer mes cheveux. Malgré l'odeur nauséabonde des pots d'échappement et l'agitation de la rue, je me sentais revivre. Pendant ce temps, ma compagne jetait autour d'elle des coups d'oeil anxieux, et j'ai compris qu'elle s'assurait qu'aucun monstre ne rôdait dans les parages. Par chance, un large et lumineux sourire a fini par se dessiner sur son visage et, comme elle se tournait vers moi, je lui ai souri en retour, rassurée.

Il serait peut-être temps que je prenne le chemin du retour, ai-je commencé d'une voix douce. Dis, est-ce que tu pourrais me guider jusqu'à, je sais pas... disons, la station de bus la plus proche ? Il doit bien y en avoir un qui se rend à Long Island, non ?

June resta silencieuse. Que pouvait-elle dire? Elle n'allait pas parler du passé avec cette fille qu'elle avait rencontré par pur hasard! Elles s'étaient déjà confié pas mal de choses, pas besoin d'en dire plus vu qu'elle se connaissait depuis une heure. Cassandre se leva et June leva les yeux sur elle avant de se lever à son tour. Elle la suivit jusque dehors, salua le vendeur qu'elle commençait à connaître plus que bien pour venir ici tous les jours, et respira ensuite l'air frais de la rue lorsque la porte se fut refermée.

Comme à son habitude lorsqu'elle sortait de ce lieu, elle jeta des coups d'oeils un peu partout avant de finalement se tourner vers la jeune fille et de lui faire un sourire, lui faisant comprendre qu'il n'y avait plus de danger dehors.

Cassandre: Il serait peut-être temps que je prenne le chemin du retour. Dis, est-ce que tu pourrais me guider jusqu'à, je sais pas... disons, la station de bus la plus proche ? Il doit bien y en avoir un qui se rend à Long Island, non ?

Justement, il y en a un qui arrive. Dépêches toi ou tu vas le louper... Tu me promet que tu reviendra!

Elle avait crié les derniers mots pendant que la blonde s'éloignait.

Je crois que June et moi avons aperçu le bus au même moment. J'allais me tourner vers elle, mais elle m'a devancée :

Justement, il y en a un qui arrive. Dépêche-toi ou tu vas le louper...

J'ai hésité, juste un instant, ai ouvert la bouche, avant de me raviser. Que je perde ma carte, ça pouvait aller. Que je me fasse courser par un bouc belliqueux, passe encore. Mais que, par-dessus tout, je rate mon bus, alors là, il en était hors de question. Je me suis donc mise à marcher, accélérant le pas progressivement jusqu'à me mettre à courir, mon sac battant mes côtes, mes cheveux me giflant le visage. Un cri a résonné, derrière moi :

Tu me promets que tu reviendras !

Je me suis retournée, les mains en porte-voix, tout en sachant pertinemment que ceci était beaucoup plus facile à dire qu'à faire :

Promis ! Et merci pour tout !

J'ignore si June m'a entendue, mais elle a souri. Et la dernière image que j'ai emporté d'elle avant de m'engouffrer dans le bus a été son bras levé, ses doigts tendus, comme s'ils voulaient toucher les étoiles.

Spoiler:

» Tout n'est que le fruit du hasard ... ft. June E. Parker
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The Big Apple [PV June]

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