Parce qu'il était temps, temps d'être quelqu'un d'autre, temps de ne plus être moi, Kathleen « Kate » Temple. Les seules personnes qui auraientpu me comprendre étaient loin, tout là-bas au près de Cronos, et j'étais seule parmi les ennemis, seule parmi les « gentils », seule auprès d'Aaron. Aaron. Mes yeux auraient pu se remplir de larmes comme autrefois, lorsque je pensais à lui, mais c'est simplement un goût amer qui m'envahit, bien loin de la douceur d'avant. Aaron. Je l'avais perdu le jour même où j'étais partie mais il avait fallu plusieurs mois avant que je ne m'en rende compte. En vérité il avait fallu que je le poignarde, poussée par... Cronos, ainsi que ma colère. C'était une chose terrible cette rage, elle te poussait en avant, te faisant tout perdre : clairvoyance et... Aaron. Mais à présent j'étais calme, peut-être parce que justement je n'avais plus rien à perdre. Les seules personnes qui me tenaient encore à cœur étaient dans mon camp, j'étais tranquille.

Bref, j'avais réussi, j'étais de retour à la Colonie. En tant qu'espionne pour le compte de Cronos, certes, mais ma mission était bien partie. Seul nuage noir dans le ciel : la présence d'Aaron. Même si j'étais confiante, que je savais qu'il ne me dénoncerait pas, le croiser chaque jour à l'intérieur même du lieu que je détestais le plus au monde était une véritable torture. Je ne m'étais pas vraiment rapprochée des autres, ayant compris ce que ça faisait de tout quitter. Un minimum d'attaches et la mission se déroulerait sans mal, même au moment de rentrer chez soi pour retrouver Luke, Artemis, Aylin... Je soupirai et posai le regard sur un arbre solitaire se dessinant à l'horizon. En ayant marre d'être enfermée dans le bungalow des Arès, mes frères et sœurs me regardant bizarrement, je me levai d'un bon et laissai la petite maisonnette loin derrière moi. Où j'allais ? Peu importe, ailleurs, simplement loin des autres. Je fonçai tout droit, atteignant rapidement la Grande Maison. Sans réfléchir je poussai la porte, grimpai une volée de marches à toute allure et ouvris une trappe débouchant dans un grenier. Le Grenier. Je ne pris pas le temps d'hésiter et m'engouffrai dans le trou, la poussière remuée se déposant immédiatement sur mes vêtements. J'avais peine fait quelques pas entre les nombreuses caisses, chaises, bureaux, etc... Qui encombraient la pièce lorsque la trappe se souleva de nouveau. Sursautant je bondis derrière un épaisse de porte-habits portant... Des robes ? Ou des torchons, au choix. Je jetai un coup d'oeil en direction de l'entrée et découvris une fille. Elle demanda qui était là et je quittai ma cachette de fortune.

« Moi. Et tu es... ? »

Ma question n'avait absolument rien de condescendant. Juste peut-être un tantinet agacée de ne pas être seule dans ce tas de poussière.

Réponse intelligente du jour, bonjour.
La question, à la base, ne demandait pas qui j'étais et je n'avais en aucun cas été invitée à décliner mon identité. En effet, les paroles de la fille se résumaient à demander s'il y avait bien quelqu'un dans cette pièce, chose à laquelle j'avais parfaitement répondu. Mais passons. J'adressai un grand sourire à celle qui venait squatter ma tranquillité. Oui, un brin hypocrite le sourire, mais peu importe. C'était fabuleux : j'étais moi et elle était elle. Fan-tas-tique ! Mot ici composé de onze lettres. Onze lettres de merveilles. Mon sourire s'agrandit encore un peu lorsque la squatteuse en fit un, tendant davantage vers la moquerie.

« Eh bien, problème réglé, je suis moi, tu es toi... Fabuleux, nan ? »

... M'enfin, avant de prendre les gens pour des cons, réfléchis trois secondes Joli Coeur. J'aurais pu finir ainsi mais quand on a une chance sur deux de finir interrogée voire exécutée, vaut mieux se la fermer. Parce oui, je n'étais pas d'ici et la discrétion était de mise. Annabeth. Eh bah, j'aurais cru la fille d'Athéna un tantinet plus sage vu qu'on ne parlait que d'elle - enfin surtout grâce au célèbre Percy Jackson. Mais bref. Si elle avait demandé mon nom, sans nul doute que je lui aurais annoncé haut et fort. Elle se rattrapa ainsi.

« Kathleen. »

Parce que mes proches me connaissaient sous ce nom, que je donnais rarement mon prénom de base et que peu en avait connaissance. Oh mes anciens amis finiraient par savoir que j'étais de retour mais si je pouvais retarder ce moment encore un peu, ça serait parfait. Je ne risquais pas grand chose dans l'immédiat : ils ignoraient tous où j'étais ces derniers mois et, même si certains me soupçonnaient d'être partie avec Aylin, personne n'en avait la moindre preuve. Et je devais être considérée comme innocente tant que personne n'avait démontré que j'étais coupable. Merveilleuses lois.

Je me frottai les yeux, la poussière tourbillonnant presque par moutons autour de nous. La squatteuse, qui était donc une fille, alluma une lampe de poche. La lumière se refléta sur les minuscules particules de poussière. Je soupirai légèrement et me rassis, m'appuyant contre une sorte de boîte en carton. Enfin quoi qu'il en soit j'avais intérêt à me montrer sympa si je ne voulais pas être découverte. Luke n'aurait pas apprécié de me savoir là, paumé dans la Colonie qui nous avait vu grandir, et il ne serait pas ravi si je venais à être découverte. Or Lue était sans doute l'une des personnes, avec Artemis et Aaron, qui comptait le plus pour moi.

« Apparemment, il va falloir qu'on songe à trouver d'autres endroits pour être seules. Ce lieu va finir par être un endroit de rendez-vous avec la solitude. M'enfin ça ne me manquera pas trop, c'est poussiéreux à souhait. Tu peux rester, on fera connaissance comme ça. »

Faire connaissance avec Annabeth Chase, niark. Vivre à la Colonie ces temps-ci n'était pas simple. Aaron savait que j'étais du côté de Cronos, il savait que j'étais partie avec Aylin, que nous étions des partisanes... Et qu'il ne me dénoncerait pas. Oui, c'était une bonne chose mais en parallèle la situation devenait insupportable. Le croiser chaque jours en sachant qu'il sait, se rappeler de tous ces moments sans lui parler, penser à Luke, loin là-bas avec son démon de Cronos, Aylin, Artemis... Et la solitude. Car si j'étais seule dans ce grenier je l'étais encore plus quand j'étais avec les demi-dieux du côté des Olympiens. Voilà ce qui causait la réelle solitude : les secrets.

« Luke ne te manque pas trop ? »

Ok, j'y allais fort mais Luke était un sujet abordable tout simplement parce qu'Annabeth le connaissait. Je lui lançai un regard en coin, guettant sa réaction. Ils avaient été très proches tous les deux et leur relation actuelle devait s'apparenter à celle d'Aaron et moi.

Luke c'était un gars génial, un mec que j'appréciais énormément. Non, c'était faux. Je n'étais pas amoureuse de lui mais je l'aimais. Étrange hein ? Nous étions proches, nous étions plus qu'amis. Confidents ? Oui, ça pouvait convenir. La réponse d'Annabeth m'étonna mais je ne répondis pas tout de suite. Le tuer ? Comment pouvait-on vouloir tuer Luke ? Ce mec était un génie, un véritable demi-dieux qui avait su voir la vérité. Je crois que nous ne nous battions pas tant pour Cronos que pour nous-même. Dans cette lutte il y avait deux camps : ceux qui croyaient en la bonté des dieux, leur générosité et tout ce qui allait avec, et ceux qui avait su voir, su décerner la vérité. Les dieux n'étaient pas nos amis ou nos alliés. Non, loin de là. Nous étions juste des pions sur un échiquier destinés à mourir pour eux, accomplir leurs petites besognes, réparer leurs erreurs. Nous étions... Des esclaves. Et certains l'acceptaient. Nous non. Les Partisans luttaient pour leur liberté.

« Le tuer ? Tu es soit inconsciente soit vraiment très courageuse. Il paraît qu'il est devenu très puissant et que Cronos le protège quoi qu'il arrive. N'empêche, si j'étais l'un d'eux ou qu'un ami devenait un partisan, je serais incapable de le tuer. Le blesser oui, pas le tuer. C'est trop... »

Horrible ? Violent ? Ignoble ? Inhumain ? Tss. Comment des humains pouvaient-ils faire des choses inhumaines ? Oui, c'était impossible. Toutes les atrocités commises par les Hommes étaient humaines.

« Je ne connais pas vraiment Luke. Je l'ai juste rencontré un jour à l'entraînement et il m'a montré comment bien manier une épée. Il était cool à cette époque. Il aurait fait un compagnon valeureux pour la Colonie. »

Cet évènement n'avait pas réellement existé, cependant il était tout à fait plausible, Luke étant l'un des meilleurs maîtres d'armes de la Colonie. Je soupirais légèrement et fixai le bout de mes chaussures.

« Croix-tu que les dieux soient bons ? »

Partisane Kate connaissait déjà la réponse mais Kathleen Temple de la Colonie, non.